Project Description
Les besoins d’autonomisation des filles : nouvelle recherche sur la perception par les filles des concepts de « choix » et d’« autonomie » concernant le mariage au Niger
Au Niger, trois filles sur quatre sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les possibilités d’éducation et d’emploi sont pour elles extrêmement limitées et peu de femmes ont suivi d’autres voies que celle du mariage précoce. Compte tenu de ces contraintes, les adolescentes peuvent-elles défier les normes et retarder le mariage ? Que pouvons-nous apprendre des filles elles-mêmes sur la signification et le potentiel de l’autonomisation des filles dans ce contexte ? S’appuyant sur les données qualitatives issues des discussions en groupe menées à Maradi et Tillaberi, au Niger, un nouvel article, rédigé par des chercheurs de l’Alliance More than Brides (MTBA) et du Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL), examine la façon dont les adolescentes et leurs parents considèrent le choix du moment du mariage et du partenaire. L’article, Voice Without Choice? Investigating Adolescent Girls’ Agency in Marital Decision-making in Niger, a été publié dans Progress in Development Studies au début de l’année.
Choix
Des recherches quantitatives et qualitatives récentes ont montré qu’au Niger, contrairement à d’autres contextes où les mariages arrangés ou forcés sont courants, les filles et les jeunes femmes déclarent souvent que la décision de se marier était leur choix personnel (Plan, 2011; Saul et al., 2017; WiLDaF, 2017). Cet article examine la perception de la voix des filles en ce qui concerne le mariage ainsi que les facteurs sociaux et économiques qui façonnent l’attitude des filles sur la question du mariage précoce au Niger. Les auteurs constatent que si les filles elles-mêmes et d’autres membres de la communauté reconnaissent que les filles ont leur mot à dire concernant le moment de leur mariage, les filles mariées, en revanche, déclarent souvent que leurs parents ont choisi leur mari, mais que la décision de se marier était leur choix personnel. Dans une discussion en groupe à Maradi, par exemple, les filles mariées ont expliqué, « Aucune de nous ici n’a choisi son conjoint. Ce sont nos parents qui ont choisi, et nous l’avons accepté. » Une deuxième fille a acquiescé, en ajoutant, « Nous sommes fières de ce choix ». Les auteurs constatent également que si les filles ont apparemment leur mot à dire sur le choix du moment du mariage, cette décision n’est pas considérée comme un choix indépendant ou individuel. Les membres de la famille, les pairs et les autres voix de la communauté ont une influence.
(Absence de) Choix
Cette recherche examine les facteurs sociaux et économiques qui déterminent les options disponibles pour les adolescentes dans ce contexte. Les auteurs constatent qu’au Niger, le manque d’opportunités économiques ou éducatives disponibles (en particulier pour les femmes et les filles), l’absence de femmes ayant elles-mêmes retardé leur mariage et qui pourraient servir de modèles de choix alternatifs, la distribution très sexuée du travail et la dépendance économique des femmes vis-à-vis des hommes, limitent les options disponibles pour les filles. Lorsqu’on réfléchit à la manière dont les filles vont assurer leur avenir, le mariage se présente comme la seule possibilité viable.
Les auteurs constatent également qu’au Niger, les normes sociales, qui prescrivent des avantages sociaux pour les jeunes filles qui se marient tôt, qui associent la virginité à l’aptitude au mariage, qui mettent l’accent sur l’obéissance et l’obligation familiale et qui ouvrent une « fenêtre d’opportunité » acceptable pour les filles qui se marient, influent sur l’évaluation par les filles des options souhaitables et sur leur perception de leur autonomie quant à la décision de se marier. Le mariage est considéré comme un événement inévitable dans la vie d’une fille, marquant son passage à l’âge adulte, et le meilleur moyen de la protéger des conséquences sociales et économiques de l’initiation sexuelle avant le mariage. Les points de vue exprimés lors des discussions en groupe, tant avec les filles qu’avec les parents, ont montré que lorsqu’une fille atteint l’adolescence, sa sexualité est de plus en plus considérée comme une menace pour son mariage futur, l’obligeant à se marier avant que son avenir ne soit mis en danger. Interrogée sur ce qui se passerait si une fille avait des rapports sexuels et tombait enceinte avant le mariage, une fille célibataire de Tillabéri a expliqué : « Sa vie serait complètement misérable. Le mariage avec son petit ami n’aurait pas lieu car il dirait qu’il allait gaspiller son argent et sa vie pour une mauvaise fille… et il serait encouragé dans cette décision [de ne pas l’épouser]. »
Les participants aux discussions en groupe décrivent le mariage d’une fille comme une source de fierté et de soulagement pour la fille et sa famille. Lorsqu’on lui a demandé comment les autres membres de la communauté réagiraient au fait qu’une fille soit la première à se marier parmi ses pairs, une fille de Maradi a expliqué : « Ils diraient qu’elle est intelligente, qu’elle a développé une stratégie pour trouver un conjoint très rapidement. Tout le monde parlerait d’elle en bien. »
Cette recherche montre également que la motivation des filles à se marier tôt est liée à l’importance de l’obéissance, que les participants aux discussions ont décrite comme un signe de patience, de discipline et de respect réciproque dans la société nigérienne. Lorsqu’on lui a demandé si une fille avait le droit de refuser un mariage arrangé pour elle, une fille célibataire de Maradi a répondu : « Si elle est une fille docile et polie, elle acceptera le choix de ses parents ». La décision d’une jeune fille d’accepter une demande en mariage soutenue par sa famille et sa communauté est considérée comme une preuve de vertu et montre qu’elle est une femme bien socialisée méritant respect et admiration.
Autonomie ? Implications pour la question de l’autonomisation des filles dans les programmes de lutte contre le mariage des enfants
Cette étude montre combien la perception des filles du concept du pouvoir concernant le mariage est difficile à dissocier de leur désir d’approbation au sein de leur famille, de leur groupe de pairs et de leur communauté. Les auteurs concluent que dans le contexte nigérien, les filles considèrent souvent le mariage comme un choix de vie stratégique. Elles considèrent le mariage comme un moyen d’obtenir leur indépendance vis-à-vis de leurs parents, une sécurité financière, ainsi que comme un moyen d’obtenir le respect et l’admiration de leurs pairs et de leur communauté. Dans un contexte où le mariage des enfants est la norme et où le fait de manquer la « fenêtre d’opportunité » offerte par le mariage peut nuire à l’avenir des filles, les interventions visant à réduire le mariage des enfants en donnant aux filles les moyens de « choisir » de retarder leur mariage et de défendre leurs droits au sein de leur famille et de leur communauté doivent examiner de manière critique ce qui sous-tend l’évaluation par les filles des « choix » qui s’offrent à elles.
Références :
Plan UK. 2011: Breaking vows: Early and forced marriage and girls’ education. Plan UK.
Saul, G., Melnikas, A.J., Amin, S., et al. 2017: More Than Brides Alliance (MTBA) baseline report, Niger. Population Council.
Women in Law and Development in Africa (WiLDAF). 2017: Lutter contre le mariage précoce par l’autonomisation des filles au Niger : Rapport définitif de l’étude de référence. WiLDaF.
Women in Law and Development in Africa (WiLDAF). 2017: Combating early marriage through girls’ empowerment in Niger: Final report of the baseline study. WiLDaF.